Enfance
Charles-Maurice de Talleyrand- Périgord naît à Paris le 2 février 1754. Il est descendant d’une famille d’une très haute noblesse issue du Périgord et dont l’origine remontant au Xème siècle est attestée par une lettre patente de Louis XIII en 1613. Une généalogie remontant jusqu’au 16 ème siècle présente 10 générations de cette illustre famille alliée souvent aux plus grands noms de France. Ses parents sont sans grande fortune, son père poursuit une carrière militaire toute tracée et sa mère a une charge à la Cour; un de ses oncles Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, successivement archevêque de Reims, cardinal et archevêque de Paris, aura un grande influence sur l’orientation du jeune Charles-Maurice vers la carrière ecclésiastique.
Charles Maurice naît avec un pied bot. Il souffre d’une maladie héréditaire connue sous le nom de « syndrome de Marfan » qui provoque cette déformation des deux pieds et non d’une chute du dessus d’une commode encore trop souvent mentionnée dans ses biographies d’après les indications fournies par lui-même dans ses Mémoires. Depuis les travaux du professeur Lacherez cette affirmation n’est plus discutée, elle est confirmée par Emmanuel de Waresquel dans son livre « Talleyrand, le prince Immobile » (chapitre 4). Dans ce livre il publie, en outre, un dessin représentant un oncle : Gabriel-Marie de Talleyrand, comte de Périgord, portant une chaussure sabot caractéristique de cette difformité.
Il est mis en nourrice jusqu’à l’âge de quatre ans puis envoyé tout enfant à Chalais en Charente chez son arrière grand-mère, la princesse de Chalais. Il relate dans un passage bien connu de ses mémoires le séjour qu’il fit, de 1758 à 1760, chez cette ancêtre qu’il admirait profondément. Il décrit la vie, déjà d’une autre époque, qui régnait dans ce vieux château et les us et coutumes encore de rigueur au sein de la minuscule cour qui entourait la vieille princesse.
Destiné à une grande carrière ecclésiastique
Ses parents estimant que cet handicap physique lui ferme la carrière des armes, l’orientent vers la carrière ecclésiastique. Dans cette seconde moitié du XVIIIe siècle et dans son milieu, ce n’est pas une disgrâce qu’une telle carrière car, bien menée avec les appuis nécessaires aux moments utiles, elle est politiquement prometteuse pour les grands noms quand on peut prétendre au « chapeau » de cardinal. Charles-Maurice, grâce à son oncle, a à sa disposition les appuis nécessaires.
En 1762, Charles-Maurice entre au collège d’Harcourt à Paris. En 1769, alors qu’il n’a que quinze ans, il est envoyé chez son oncle Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord à Reims , alors évêque coadjuteur de l’archevêque duc de Reims, le cardinal de la Roche Aymon il y revêt la soutane.
Il est admis, en 1770, au grand séminaire de Saint-Sulpice où il demeure cinq ans ; fréquentant assidûment la bibliothèque du séminaire, il se nourrit de lectures qui étaient autant politiques que religieuses. La formation qu’il recevra dans ces murs le marquera toute sa vie ; Charles Maurice a toujours conservé du respect et de l’admiration pour ses maîtres de Saint-Sulpice.
Le 1er avril 1775, il est ordonné sous-diacre en l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Il a 21 ans. Le 11 juin 1775, il assiste au sacre du roi Louis XVI en la cathédrale de Reims. Le 24 septembre 1775, le roi désigne
Charles-Maurice comme abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Denis de Reims : un premier revenu et une adresse officielle.
Il est excorporé du diocèse de Paris, à la demande de son oncle devenu archevêque de Reims, Cependant ce n’est pas à Reims que l’abbé de Périgord s’installe mais à Paris, il s’inscrit à la Sorbonne où, durant trois ans, il prépare sans trop d’effort une licence de théologie qu’il obtient le 2 mars 1778.
Talleyrand est ordonné prêtre dans la chapelle de l’Archevêché de Reims, le 18 décembre 1779, il célèbre la première des sept messes qu’on lui attribue. La deuxième, dite à l’intention de la famille, ayant lieu le lendemain, le 19, à l’occasion de sa nomination comme vicaire général du diocèse.
Le 10 mai 1780, il est nommé pour cinq ans l’un des deux agents généraux du clergé auprès de l’administration royale. Travailleur acharné, il prend très au sérieux sa tâche de défendre les biens et les privilèges de l’Eglise contre les empiétements et les assauts d’un pouvoir royal fort endetté, suite à l’expédition aux Amériques. Cependant, il sait déjà qu’il faut composer pour conserver l’essentiel ; c’est dans cet esprit qu’il formulera, sur la fin de son mandat, un projet qui visait à réformer l’administration de l’Eglise pour l’adapter aux exigences nouvelles.
Dans l’espérance d’un évêché, il continue à rendre visite régulièrement à son oncle qui lui a réservé un appartement dans sa résidence d’été au château de Saint Thierry près de Reims. C’est à l’occasion d’un de ses séjours à Saint Thierry, en 1783, qu’il a l’opportunité d’offrir l’hospitalité à William Pitt en voyage en France.
Le 21 avril 1785, de sa longue liaison avec la comtesse Adélaïde de Flahaut de la Billarderie, naît Charles de Flahaut ; aux dires d’André Beau c’est « le plus authentique de ses enfants naturels ».
Cette vie agréable mais fort libertine pour un candidat à un évêché l’obligera à patienter trois ans pour obtenir la mitre tant attendue. Le 2 novembre 1788, Talleyrand est nommé par le roi, évêque d’Autun. Louis XVI cède ainsi au voeu exprimé par le père mourant de l’abbé. Il est sacré évêque le 4 janvier 1789.
Il attendra près de deux mois avant de découvrir son évêché mais il prend vite conscience de la nécessité de sa présence à Autun s’il veut se faire élire député ; en effet, la réunion des États Généraux est prévue pour le 27 avril. Afin d’élire un député au nom du clergé, les abbés, prieurs, curés de paroisse sont invités à se retrouver à une assemblée préliminaire qui doit se tenir, le 28 mars, en présence de l’évêque d’Autun lui- même. Le 12 mars 1789, Talleyrand arrive à Autun et le dimanche 15 mars, il prend officiellement possession de son siège.
Le 25 mars 1789, il dit la messe pontificale en sa cathédrale. Le 2 avril 1789, Talleyrand est élu député aux Etats Généraux, par le clergé de son diocèse après une « campagne » rapide mais soigneusement menée.
Le 12 avril 1789, au matin de Pâques, il quitte son diocèse pour n’y plus revenir ; il reprend la route de Paris, un mois à peine après son arrivée. On comprend que son court passage n’ait laissé que des souvenirs mitigés aux Autunois